« Nulle part ailleurs, je ne pourrais rentrer chez moi en trois minutes en pirogue.Nulle part ailleurs, je ne me sentirais aussi tranquille à marcher la nuit dans le noir. Nulle part ailleurs, je ne serais autant en harmonie avec la nature et ses éléments. Que dieu protège cette île de ngor. Amine. Merci à « la fille du volcan « de m’avoir accueillie et prise sous son aile bienveillante ! » France GALL
Prononcé le nom magique Ile de Ngor, fait surgir du passé la vision diurne des sorties de classes organisées par des adolescents, pour décompresser loin des parents et éducateurs.
Oubliée par les historiens, géographes, archéologues, et anthropologues, l’île de nGor a souffert pendant plus d’un million d’années d’un épais silence. Nous étions au
quaternaire, il y’a quelques quatre millions d’années. Ce fut aussi une période de mer beaucoup plus basse que de nos jours, et l’homme pouvait marcher de la pointe des Almadies jusqu’au site réservé à la « fille du volcan», pour apprécier cette splendeur de la matière presque éternelle, affranchie de tout l’instable de la vie, la splendeur géologique d’avant notre arrivée au Cap-Vert.

La terre avait tremblé, beaucoup tremblé, des fissures s’étaient ouvertes et il y’a un million cinq cent mille ans la lave incandescente avait jailli en ce Finistère ouest africain, des bombes volcaniques avaient été projetées, au loin, et puis les éléments s’étaient calmés, la sérénité était revenue.
Un long et profond sommeil avait suivi, et le souffle des mamelles a fait de ce fragment de lave, une île.
L’île de ngor, « la fille du vol can » a trouvé sa source au creux de ton ventre (MER/MÈRE), elle est descendue au plus profond de ton royaume pour ramasser, assembler quelques roches nées du souffle du volcan des mamelles, mille fois caressées, roulées, retournées, avant de recevoir l’autorisation de montrer sa belle robe noire dépouillée de toute fantaisie. La remontée du niveau marin, les phénomènes érosifs ont taillé le basalte dans ses parties fracturées, donc fragiles, laissant la mer souveraine autoriser ses vagues à assaillir les rochers abrupts et leurs mouvements à ébranler la terre, pour isoler les îles de Yoff, de Ngor et réduire la pointe des Almadies, de ngor
et des mamelles. Il n’en demeure pas moins que Ngor a trouvé son cheminement singulier. L’action quotidienne des nGo- rois et des membres de l’Association des Amis de l’île de nGor a fait de ce bout de terre un havre de paix, où la discrétion et le bon goût se laissent découvrir à chaque coin de rue. Le dialogue constant entre l’île et le continent a de quoi faire échec à l’al- térité, comme c’est souvent le cas en de pareilles circonstances, et donner naissance à une véritable fusion.
PROMENADE D’HISTOIRE
Du village de nGor, à son complément dans la mer l’île de Ngor, de la place de la grande mosquée, aux différents autels, de l’embarcadère à la somptueuse villa sur l’île de nGor, tous les ingrédients sont réunis pour donner tout son sens à la réflexion du Professeur Cheikh Anta DIOP sur la renaissance africaine : « on s’aperçoit qu’il y’a d’une part, une partie de la tradition qui est restée intacte et qui continue à vivoter à l’abri de toute influence moderne, d’autre part une tradition altérée par une contamination européenne. »
Espace qui naguère recevait de grands érudits pour des retraites spirituelles, avait aussi reçu Ndiaga Issa dit Serigne Koki.
Nous étions en 1830, dans le Walo, une troupe commandée par le capitaine Brou, Gouverneur du Sénégal, venait de mettre en déroute un groupe de prédicateurs musulmans. L’un d’eux Ndiaga Issa dit Serigne Koki bien que blessé réussit à se réfugier à nGor auprès des lébous. Il était caché sur l’île de nGor, exactement là où se trouve le PÉNC 1.9.
Les français par la voix de Hesse Commandant de l’île de Gorée demandèrent aux lébous de le leur livrer, ils refusèrent catégoriquement, car cela aurait été une infamie de leur livrer un homme qui s’est mis sous leur protection.
1914/1928.
Il se déclara à Dakar et dans le Sé- négal plusieurs épidémies de peste, le lieutenant-gouverneur du Sénégal signe une lettre circulaire adressée à toutes les autorités administratives et coutumières, faisant obligation de déclaration de tout cas suspect de peste.
Le 5 octobre 1914, Blaise DIAGNE député suggéra que l’on complète l’arrêté relatif aux mesures prophy- lactiques par la mention : « peste par obligation pour toute personne sans distinction de race de se faire vacciner. »
Le 8 octobre 1914 le Gouverneur général estima qu’il était inutile de décréter la vaccination obligatoire pour les européens. Face à l’attitude du Gouverneur général, et compte tenu de la rumeur qui se répandait chez les lébous au lendemain de la victoire aux élections de mai 1914 de Blaise DIAGNE, disant que cette déclaration d’épidémie, ainsi que les mesures édictées pour tenter d’enrayer la propagation n’était qu’une vengeance inventée par le parti hostile au nouvel élu: les ouvriers du chantier des Mamelles refusèrent de se faire vacciner. Les nGorois se solidarisèrent et s’opposèrent aussi au projet de déménagement du village suggéré par le Gouverneur général, malgré les mesures annoncées d’aide à la reconstruction du village à la fin de l’épidémie.
Les français prirent des mesures de rétorsion tendant à les réduire à la famine. Pour s’assurer une autosuffisance alimentaire, les Ngorois firent preuve d’une ingéniosité qui leur permit d’élaborer et de conjuguer adaptations et innovations, au point de transformer l’île de Ngor qui paraissait inaccessible, en zone de pâturage et de maraîchage.
Ils savaient que l’écume de mer est constituée essentiellement de débris organiques de la couche de surface, dont une partie se répand sur les plages et le reste étant porté par le vent sous la forme d’embruns qui se déposent sur l’île et enrichit les pâturages du fait d’une haute teneur en azote et en potassium.
L’île de ngor jusque là, était recouverte d’arbustes épars, ne recevait que les chasseurs de tortues et avait une réputation confuse de sacralité.
23/25 septembre 1940.
« L’Europe était secouée par la tragédie de la 2ème guerre mondiale. Les dakarois s’en souviennent , la ville était sous les feux des canons d’une puissante armada franco-britannique. La parole était restée aux canons pendant 3 jours. Les sénégalais qui ont vécu ces événements se souviennent encore de l’exode de la population vers l’intérieur du pays, après les bombardements
du Port, du Plateau, de Rebeuss, de la Médina etc…La population qui ne pouvait rejoindre l’intérieur du pays, s’était installée sur le site ayant accueilli quinze ans après l’hôtel Méridien Ngor et sur l’île de nGor. Pendant plusieurs semaines les nGorois, épargnés par les feux des canons, prirent en charge leurs frères perdus et réfugiés.
Ils étaient généreux, vraiment bons, ne demandaient jamais à ceux qui sont nus, où sont passés vos vêtements ? Aux sans-abri qu’est il arrivé à votre maison.
LA TRAVERSÉE.
À vrai dire, c’est vers les années 1920 que l’île de nGor enregistra ses premières navettes village/île. Vers 1930 Mame Alieu NDIAYE et
M. Tamat WADE effectuèrent les premières traversées, peu de temps après, d’autres notables, parmi lesquels Cheikh Elhaj Mbaye SECK, Elhaj Djibril THIANDOUM mouillèrent leurs embarcations. L’aventure pour un grand nombre a été de courte durée.

1932.
Cheikh Elhaj Mbaye SECK, père de Cheikh Elhaj Libasse SECK, fondateur de la « pirogue bleue », et El Haj Djibril THIANDOUM, tuteur de Elhaj Maliber SAMBA, fondateur de la « pirogue verte », sans avoir la prétention de mettre fin aux difficul- tés rencontrées par les populations s’étaient résolument engagés à arracher le peuple de Ngor, au destin dramatique qui restait le lot de la plupart des autres communautés. Ils avaient investi à force de bras, la difficile épreuve d’assurer à la rame la
« traversée de ce filet d’eau salée »: pour tous ceux qui voulaient visiter ce qui était un désert de roche basaltique, affectant on ne sait pourquoi, ni pour quels yeux, des formes très recherchées, qui sans doute, sont là immuables depuis des siècles, dans le même silence et les mêmes splendeurs de lumière.
Ils devenaient ainsi les créateurs du nouveau miracle nGorois, celui d’une communauté qui suscite et autorise des destins personnels. Ils n’inventèrent pas leur activité, mais la façonnent librement.
La « pirogue bleue » et la « pirogue verte » ont écrit, les plus belles pages de l’histoire de la traversée de ce filet d’eau salée, et les noms de Cheikh Elhaj Libasse SECK et Elhadj Maliber SAMBA comme naguère Cheikh Elhaj Mbaye SECK et Elhaj Djibril THIANDOUM resteront toujours attachés à l’île de nGor.
Ces deux compagnies ont assuré les navettes village/île de nGor de 1932 à 1994.
Suite à l’avènement d’un drame, les responsables des deux compagnies avaient décidé de fusionner en créant le Regroupement des Trans- porteurs de l’Ile de Ngor ,(RTIN). L’île et le continent ne font presqu’un tant la valse des pirogues du RTIN est permanente au grand bonheur des habitants, et des visiteurs d’un jour.
Nul besoin ici de subir le mouvement pendulaire d’une chaloupe pour aller à la rencontre du bonheur. C’est dans sa robe noire de basalte, dépouillée de toute fantaisie, qu’elle exprime au mieux sa pureté, son élan et sa force. On s’y sent dans un monde à part, isolé, en contact direct avec les forces de la nature, le vent, le soleil, la mer.
La mer y est tiède, l’air frais balayé par les alizés, et le soleil éclatant dans un ciel sans nuage. N’est il pas merveilleux de connaître, chaque matin, au réveil, dans la splendeur du matin vierge l’insouciante ivresse de seulement respirer, de seulement vivre, d’étendre ses bras, s’étirer demi-nu dans l’air pur, de marcher pieds nus sur le sable mouillé, de s’assoupir sous un cocotier face à la mer, bercé par le bruit des vagues, les murmures de l’eau, le chant des oiseaux et rejoindre au crépuscule l’esplanade KOCC BARMA pour contempler le coucher du soleil, faire face aux étoiles, tendre l’oreille au silence et ne rien entendre pour mieux savourer Victor Hugo: « La nuit, j’écoute, Tout fuit, Tout passe, l’Espace efface le temps. »

Credit: h0n3yb33z
(Les orientales 1829, les Djinns)
Une promenade sur les rochers, au niveau des marées, permet d’observer certains d’entre eux entièrement creusés de cavités arrondies de différentes tailles : ce sont des rochers de dolérite, habitat préféré des deux oursins les plus connus, tous deux sont hérissés de piquants longs et fins à reflets violacés chez « Arbacia », plus court, moins effilés et reflets bruns verdâtres chez « Echinometra. »
L’ÎLE DE NGOR/LA FILLE DU VOLCAN, AU CŒUR D’UNE TRADITION.
L’île de Ngor où l’hymne du village, représente le foyer à partir duquel prennent naissance, et vers lequel convergent les relations complexes avec l’univers des « TUURS » ou « RAB » « Génie ou Esprit ». Entre le XIéme et le XIIIéme siècle, les lé- bous avaient côtoyé le long du fleuve Sénégal les pêcheurs « tyubalo » et avaient vécu côte à côte avec les sé- rères « nones » entre le XIV éme et le XV éme siècles. De ce dernier voi- sinage, il résulta des liens sentimen- taux, des alliances et des croisements qui ont permis à des éléments sérères de se fondre avec eux, et de laisser une empreinte profonde sur leurs mœurs et coutumes.
Celle traditionnelle à la base de conceptions relatives à la mer ou du rituel de la pluie, la croyance en un « génie » « rab ou tuur » à qui on fait une offrande.
Le « rab ou tuur » est un « génie » désireux de vivre auprès des hommes et peut emprunter des formes animales ou humaines.
Il est considéré comme le jumeau de l’ancêtre, et est maître des eaux, de la nature et du sol. La frontière entre « tuur et rab » n’est pas hermétique : un tuur est un rab, et un rab honoré avec assiduité peut accéder au statut de tuur. La principale différence réside dans le degré de notoriété, d’ancienneté et de
qualité de l’alliance.
LE MYTHE FONDATEUR.
« L’aïeul a mis au monde un enfant de sexe masculin ou féminin « AND » (le placenta ) , le compagnon s’est transformé en serpent. Celui-ci s’est introduit dans le creux du baobab ou s’est caché dans le grenier. Une calamité s’est abattue sur le village et le serpent a offert : eau,fécondité, bonheur, chance…. en contrepartie d’une nourriture rituelle. » Les hommes acceptent le pacte, et le « tuur » s’attache au lieu et leur dit:
« venez partager notre terre, mais souvenez-vous que l’air nous est précieux, qu’à tous les êtres qu’il fait vivre, il faut partager son esprit, le vent qui a donné son premier souffle à notre aïeul, reçoit aussi son dernier soupir. Et le vent doit aussi donner à nos enfants l’esprit de la vie, si nous vous laissons partager notre terre, vous devez la conserver comme un lieu à part et sacré. »
Sur l’île de nGor, les « tuur » ou «rab » ont pour noms: Gorgui may ma paune, Ndiallo bassé, Gorgui bassé, Mame Boury Samb, Ndiaga WASS, Mbidja WASS, Mame nguédiou, le nain Kay niou beré. Il s’agit là de génies errants :
entités qui n’appartenant pas au Panthéon lébou sont susceptibles posséder quelqu’un à tout moment lorsqu’ils désirent y accéder. La possession par un de ces génies n’est que la manifestation de leur désir qui re- flète celui de l’ensemble des génies de vivre en compagnie des hommes, d’être nourris, fixés et reconnus par eux. La nourriture rituelle offerte à l’ensemble est: la noix de colas mâ- chée, du lait caillé,du mil pilé sucré (nak), et du sang de coq, poulet, mou- ton, ou bœuf.
L’île de nGor dispose de trois sites sacrificiels, le plus connu est le « bas- sin de la reine » L’animal totémique est le varan.
L’ÎLE DE NGOR: UNE VOCATION CULTURELLE.
Cette île si singulière, voit ses lieux très souvent mal labourés par l’homme, mais malgré sa souffrance et grâce aux actes posés par l’Associa- tion des Amis de l’île de Ngor (AAIN) de 2000 à 2021, elle nous offre une qualité de vie unique, des surfaces des maisons en mosaïque et les portes d’entrée des maisons toutes sculptées ou racontant une culture africaine (bambara, dogon, senoufou etc… .)
L’île de nGor, un musée à ciel ou- vert, n’hésitez pas à faire le tour de l’île en pirogue, pour vous voir révé- ler ces sculptures monumentales en forme: d’éléphant; de tortue géante; le lion couché ; Mame Bouri SAMBE; Gorgui may ma paune; le bassin de la reine ; Wakatanka le grand esprit indien.
Ces trésors de nos infinies profondeurs, qui sont venus se dévoiler à nos yeux. Ces sculptures sont gravées dans la roche avec une telle délicatesse, une telle subtilité qu’elles deviennent parfois imperceptibles pour les yeux du regard.
Nombreux sont les artistes et hommes de culture qui sont passés sur l’île de nGor, ils sont précurseurs du cinéma sénégalais et africains, réalisateurs internationaux et actrices hollywoodiennes .
Ils sont écrivains, poètes, femmes et hommes de théâtre, danseurs, comédiens, artistes peintres et sculpteurs, chanteurs et musiciens, académiciens et grands voyageurs, universitaires, grands journalistes… Notre chantier, celui de l’île de nGor, est de recréer des liens de confiance, de réciprocité, et d’équité
entre artistes.
Cela ne se fera pas en effaçant les identités que chacun de nous a forgées aux niveaux inférieurs, mais au contraire en les acceptant et en les multipliant et en faisant en sorte qu’aucune ne devienne radicalement excluante ou aveuglante. Le défi sera d’apprendre à jongler avec cet entrelacement d’identités afin de traverser les tempêtes sans se noyer.
L’AAIN/ Association des Amis de l’île de nGor, née le 18 avril 2002, à la faveur d’une initiative de quelques propriétaires.
Elle s’est toujours efforcée de favoriser le dialogue entre ses membres et les autorités administratives, militaires et communales.
Elle est un répondant pour la défense des valeurs de bonne citoyenneté, protège l’en- vironnement de l’île et contribue à l’effacement des marques négatives répertoriées sur l’île. Depuis sa création, elle a pris en charge la propreté de l’île, elle a planté plus de 500 cocotiers et dattiers, aménager et procéder à l’adressage des ruelles, passages, places et plages.L’île de nGor, compte plusieursespaces culturels:
PÉNC 1.9, SUNU MAKANE, KEUR YADIIKOONE,LA MAISON DU BONHEUR, plusieurs Galeries et un Camp militaire d’entraînement tactique.
L’AAIN a entamé avec ses partenaires (UCG, MAIRIE DE NGOR, EDE International, Fondation HEINRICH BÖLL , SOS 0 déchet et TRACE la réalisation du projet : « TRANSITION 0 DECHET ÎLE DE NGOR »
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