C’est à Addis-Abéba qu’est née l’Organisation de l’unité africaine, en mai 1963, à l’issue de la première conférence des chefs d’Etat et de gouvernement africain. Une année plus tard, la deuxième réunion « au sommet » de l’O.U.A. décidait d’y établir définitivement le siège de l’Organisation.

Après six années d’un essor laborieux, l’Organisation de l’unité africaine (O.U.A.) entre dans une période très critique de son exis- tence. Lorsqu’en 1963 Addis-Abéba en liesse accueillit les vingt- neuf délégations d’un continent à peine sorti de la suzeraineté étran- gère, l’empereur d’Ethiopie, Haïlé Sélassié, put légitimement croire qu’il assistait avec son peuple à la naissance d’une force capable de peser sur le rapport planétaire des grandes coalitions diplomatiques.
« Le monde entier a aujourd’hui les yeux tournés vers nous », déclara-t-il sans aucune exagération, lors du grand discours inaugural qu’il prononça devant une assemblée prestigieuse d’hôtes, où figuraient dans une même enceinte, presque sur les mêmes bancs, des adversaires implacables comme Houphouët-Boigny et Kwame Nkrumah, Bourguiba et Nasser, Modibo Keita et Léopold Senghor. Ce dernier, fils de Basile Diogoye Senghor et de Gnilane Bakhoum, est né le 9 octobre 1906 à Joal et passe son enfance à Djilor dans sa famille maternelle. Après des études à Ngazobil (entre Mbour et Joal) puis à Dakar, il obtient une bourse pour poursuivre ses études en France. Il sera, en 1935, le premier Noir à être reçu à l’agrégation de grammaire et devient professeur à Tours, puis
à Saint-Maur-des-Fossés.
Brillant homme de lettres, Senghor s’est également beaucoup investi dans la valorisation de la culture noire en général et celle africaine en particulier. Pour qu’une Nation soit forte, il faut que sa culture soit forte; estimait le Président Senghor. Par la création de grandes structures valorisant la culture. Ainsi suivant la loi n° 66-62 du 30 juin 1966, le Président de la république du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, posait un des jalons fondateurs de sa volonté de manifester à la face du monde la richesse incommensurable du patrimoine culturel et artistique africain en créant la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano. Plusieurs décen- nies plus tard, l’on constate que cette vocation a largement été il- lustrée par les trois troupes dont elle s’est dotée pour se lancer à l’assaut de ses ambitions. Le Président poète est aussi l’artisan des Manufactures de Thiès au Sénégal pour la valorisation de l’Afrique. C’est le cas des Etats-Unis avec leur cinéma, la France avec ses musées… Cette dimension renvoie au Soft Power qui, selon Joseph Nye, permet aux Etats de s’afficher, de s’im- poser par le biais de la culture, de l’attraction, pour influencer le monde, pour être bien vu au niveau de l’hinterland. La culture transmise permet de s’ouvrir. C’est d’ailleurs ce que conçoit Mbougar Sarr, romancier d’expression française comme étant la quintessence d’une culture. Elle est dans cette optique un encouragement à aller vers d’autres cultures. Le problème commence à s’installer quand on pense que la culture que l’on a
est un don éternel, quelque chose qui ne peut pas bouger. Toutes les cultures du monde sont formées à la rencontre d’autres cultures, d’autres horizons. Il faut donc être conscient que l’on ne vit pas seul sur cette terre, on la partage avec d’autres cultures. Évidemment tout l’enjeu pour chacun est d’arriver à installer une sorte de dialogue, d’échange avec l’autre. Cet échange doit aussi passer par le biais des médias en diversifiant les programmes mais en instau- rant également une pédagogie de la culture. C’est là qu’intervient toute la pertinence du « Rendez vous du Donner et du Recevoir » du Président Senghor. Comprenant très tôt ce dialogue, cette communion avec l’autre, il est élu président de la République du Sénégal en 1960, Senghor offrit à son pays le 1er Festival mondial des Arts Nègres, dont Alioune Diop fut directeur artistique. Avec la participation des pères de la Négritude que sont Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Alioune Diop, le président Senghor introduit ce festival, qui allait réunir des personnalités venues des 4 coins du continent, ayant pour thème: « Fonction et importance de l’Art Nègre et Africain, pour le Peuple et dans la vie du Peuple» . L’objectif déclaré du président Senghor était « la reconquête de la dignité des peuples noirs ». Il avait comme buts de célébrer la créativité africaine et de permettre aux artistes d’origine noire de se faire connaître et aimer dans un climat de tolérance, d’estime mutuelle et d’épanouissement intellectuel. La deuxième édition du festival a eu lieu à Lagos
Nigéria) en 1977 sur le thème “Civilisation noire et éducation”. Un grand nombre d’éminentes personnalités venues du monde entier avaient participé à ces évé- nements.
Pour perpétuer la pensée et l’héritage senghoriens, en prélude de la 3e édition du FESMAN qui eut lieu à Dakar en 2010, le président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade a prononcé une allocution dans laquelle il a rappelé que le but du festival n’était pas seule- ment de contempler le “brillant passé” du continent ou de savoir quels sont les Africains qui « devraient être fiers », mais aussi de construire l’avenir et de renforcer les relations entre l’Afrique et les pays de la diaspora. Il a lancé un appel à l’unité et à refuser “de rester dans la stagnation, alors que notre continent est riche mais… a été appauvri.”
Rappelons que Senghor fut en
effet le premier président du Sénégal indépendant de 1960 à 1980, se prévalant à cet égard de la double acception de « père de la nation » et de père des indépendances africaines avec la création de l’OUA. Il fut aussi un homme de lettres et un intellectuel de rayonnement international, fameux chantre de la négritude aux côtés d’Aimé Césaire et de Léon Gontran Damas.

Il fut encore un des premiers chefs d’États africains à avoir introduit le pluralisme politique, la diplomatie culturelle de même qu’il contribua très favorablement à la réputation de tolérance des cultures Africaines en devenant le président chrétien et sérère d’un pays très majoritairement musulman et à dominante respectivement wolof et halpulaar.