Le numérique a fini de s’installer dans les habitudes, de nos jours. Entre modernisation dans le domaine de l’enseignement et ouverture de perspectives relatives à de nouveaux métiers, le numérique est devenu partie intégrante du quotidien de plus d’un. Et, le Sénégal n’y échappe pas. Au contraire…
« Oui, on les retire maintenant à partir de la plateforme Planète Elève. Il suffit d’y entrer son Identifiant de l’Education Natuinale et un code personnel pour consulter et télécharger le fichier du bulletin. C’est la même chose pour les notes et les emplois du temps ». L’école sénégalaise n’a visiblement pas raté le virage du numérique. Plus haut, c’est Astou Louise Seck qui s’exprime. La lycéenne qui vit à Mbao, dans la banlieue dakaroise, explique qu’avec son téléphone portable, il lui est maintenant possible d’accéder à son bulletin de notes. Une avancée au niveau des lycées du Sénégal et pas que, puisque la numé- risation s’est aussi invitée dans les Collèges d’Enseignement Moyen. Celui qui porte le nom de Blaise Dia- gne et qui fait face à l’Ecole Natio- nale d’Administration bénéfice aussi de ces avantages qu’offre le numérique en ce vingt-et-unième siècle.Ousmane Ba enseigne l’histoire et la géographie au CEM Blaise Diagne.
L’établissement ne voit pas encore le défilé des collégiens, mais quelques-uns se relaient dans son bureau. Au centre de ce dernier, une petite table et un ordinateur. Devant sa machine, Monsieur Ba loue les avantages de la plateforme mise en place par le Ministère de l’Education nationale. Selon lui, « elle allège les tâches et permet de gagner du temps. Avant, tout se faisait à la main, et c’était compliqué. Mais maintenant, avec l’outil informatique, on est vraiment à l’aise. » Ousmane Ba a avec lui une pile de bulletins de notes du second semestre non encore retirés…et qui ne le seront visiblement pas. « Physiquement », a-t-il tenu à préciser. Le retrait s’est virtuellement fait depuis. Son souhait est que toutes les écoles soient numériquement outillées, « parce que c’est la clé de l’avenir. » Outre le moyen et le secondaire, l’enseignement supérieur s’est aussi mis au numérique.Anna Ndour, étudiante à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS),
est aujourd’hui en master 1. Tout son cursus, depuis l’obtention du baccalauréat jusqu’à ce jour, est traversé par le numé- rique. C’est d’ailleurs à peine si écrire fait partie de ses études, puisque s’il y a écriture, cela ne se fait qu’à travers le clavier de son ordinateur. Ordina- teur offert par l’Etat, en plus de clés USB pour assurer la connectivité qui leur permet, elle et les autres de l’Uvs, de suivre les cours à distance, les cours en présentiel concer- nant ceux relatifs au leadership, au développement personnel…Et la formule semble bien arranger Anna.
« J’ai commencé à travailler au sein d’un centre d’appel de la place en 2016, moment coïncidant à ma première année d’université. J’allie les cours et le travail. Ce n’est pas si difficile et allier les deux ne m’a en rien pénalisée. Je connais aussi pas mal de personnes qui, en plus de l’Uvs, suivent d’autres formations ou font autre chose.»
« Il suffit d’être curieux»
Mais, la vague déferlante des algorithmes n’a pas baigné que les plages de l’Education nationale. Elle a aussi aidé à faire émerger de métiers possibles qu’avec le numérique. L’Etat du Sénégal entend « tirer parti du fort potentiel du numérique en termes de création d’emplois, avec un objectif de 35. 000 emplois directs crées, dans le secteur du numérique au Sénégal d’ici 2025 ». Ce, « confor- mément au Plan Sénégal Emergent », apprend-on d’écrits officiels. Cette projection du P.S.E ne manque pasde trouver son répondant dans l’at- titude de nombre de jeunes qui se saisissent du numérique pour explo- rer le champ de l’auto-emploi. L’un d’entre eux, Mamadou Gaye travaille en tant que développeur, depuis sept ans. Il croit fort que « la transforma- tion digitale peut améliorer l’emploi des jeunes » et qu’aussi, « cette nou- velle ère s’avère prometteuse car, favorisant l’émergence de startups et d’éco- systèmes locaux. ». Le secret, à l’en croire, c’est qu’ « il suffit d’être curieux car les technologies numériques sont partout. » Lui-même qui a appris à devenir développeur via des cours en ligne, en est la parfaite illustration.C’est aussi par curiosité qu’à seu- lement vingt ans, Ousmane Thiam a découvert le métier de trader, qu’il considère comme « une activité révolutionnaire ».
« En 2019, dit-il, j’ai rencontré un ami trader dans la région de Matam qui m’expliquait cette opportunité et révolution numé- rique ». Depuis lors, le jeune homme s’adonne à des investissements à travers internet et des plateformes dédiées à ce nouveau métier ou, tout simplement, via des applications mobiles de trading. Ousmane Thiam explique que « tout se fait numérique- ment ».
Agé de 35 ans, Shamsidine Dieng gère, depuis bientôt cinq ans, un service de transfert et de retrait d’argent. L’affluence des clients vers son bureau n’est pas des plus folles, du moins, pas en ce début de soirée de ce jeudi 23 décembre 2021. Mais, le trentenaire ne se plaint pas. Ria, Western Union, Money Gram, Wave…les sollicitations se multiplient et son collaborateur, Baye Modou, se charge d’en gérer une partie. Entre la notification sonore d’un téléphone qui confirme la fin d’une transaction et le clic à partir la souris d’un ordinateur qui en déclenche une autre, M. Dieng nage en pleine mer numérique. « Tout se fait via internet. Il me faut alors avoir en permanence de la connexion.. Une puissante connexion internet d’ailleurs pour traiter le plus rapidement possible les requêtes », insiste Shamshidine.
Celles-ci viennent souvent de l’extérieur du pays : des parents qui envoient de l’argent à leurs enfants étudiant au Sénégal, des Sénégalais basés à l’étranger. Plus ou peu de file d’attente pour retirer un bulletin dans les établissements scolaires. Plus ou peu de file, aussi, dans certaines agences pour payer sa facture d’eau et/ou d’électricité. C’est du moins ce que permet internet, à en croire Shamshidine. Les clics ou quelques manipulations à partir d’un téléphone portable s’en chargent, avec la complicité d’internet qui est le véhicule par lequel le numérique ne cesse de transformer le quotidien des populations.
A l’heure de la pochette numérique
Et, la transformation en question se sent jusque dans les habitudes. Dissenty Gomis ne s’encombre plus de pochette ! Le téléphone android a chassé de la poche de son pantalon cet accessoire qui semble appartenir à une autre époque. La seule carte d’identité nationale qui lui donnait encore une raison d’alourdir sa poche est maintenant glissée entre le téléphone et sa coque protectrice. Shamshidine a sans doute raison de dire que le téléphone portable est de nos jours devenu une « pochette électronique ».
L’assertion est confirmée par M. Gomis qui affirme préférer laisser son argent derrière l’écran d’un outil devenu incontournable de nos jours. Et, parce que la vague du numérique présente beaucoup de potentiel, plusieurs entités veulent surfer dessus pour tirer leur épingle du jeu. Ainsi nait par exemple une rude concurrence entre les services locaux. Elle tourne à l’avantage de la population qui a plusieurs choix mais ne fait pas forcément l’affaire de gérants de bureaux comme celui de Shamshidine. Il soutient que la floraison des possibilités fait chuter la valeur des commissions qu’ils reçoivent pour certaines transactions.
Si pour certains le téléphone portable est une pochette, pour d’autres, c’est un mini-marché. L’application de messagerie instantanée whatsapp est sa vitrine et Idrissa Sow soutient qu’elle lui permet de commercialiser facilement et rapi- dement ses articles. Habillement, vaisselle, ordinateurs…tout y passe et la clientèle est des fois même hors du pays. Loréna Prunelle Gnassou- nou est quant à elle une cliente assi- due virtuelle des sites de commerce en ligne. Parlant de ces marchés « dématérialisés » par le numérique, elle dit que « souvent, à défaut de se déplacer, on a envie d’utiliser le digital. Donc je visite beaucoup de sites locaux comme Jumia qui est une référence en terme de e-commerce ». Ainsi, à l’en croire, le numérique façonne de plus en plus les habitudes des jeunes. Des jeunes qui, pourtant, ne font pas que consommer des applications. Ils en créent. M. Gnassounou, qui se définit comme entrepreneure culturelle et numérique, fait partie d’une struc- ture spécialisée dans l’évènementiel dotée d’une touche spéciale : « une application qui permet de gagner du temps et de pouvoir acheter depuis chez soi des tickets d’évènements qui ont lieu un peu partout dans Dakar ». KeyEvent, puisque c’est de cette application qu’il s’agit, est une « billetterie en ligne », qui en dématérialise, encore, un autre processus
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