C’est au « Relais », rapporte-t-on, que venait chercher son inspiration et écrire un illustre devancier de Ngaïdé, l’auteur de Mal, un recueil de puissantes et suggestives nouvelles sur sa propre expérience de l’internement psychiatrique; du temps où, avec le Professeur Henry Collomb, Fann était le lieu d’expérimentation de modèles alternatifs d’une prise en charge de la maladie mentale qui implique tout le groupe social et l’environnement culturel du patient. Et il arrive, aujourd’hui, qu’un pensionnaire de ce lieu de soin emprunte les pas de ce brillantissime écrivain pour arriver subrepticement tailler bavette avec Ngaïdé et ses amis dont beaucoup sont, à leur manière, des génies en transit, des «fous» inachevés.
Militants et professeurs d’université à la retraite, penseurs avant-gardistes reclus, intellectuels aventuriers, et anciens anarcho-émeutiers, post-soixantards, marxistes attardés et journalistes sans ancrage journal peuvent y côtoyer des dynamiques et jeunes cadres et dirigeants d’entreprises. Mais aussi des universitaires en activité et cadres en management porteurs de startups les plus performants et des tic-addicted les plus branchés…
Le « Relais », son baobab tutélaire, ses discussions nourries entre intellos hirsutes et ses jeunes cadres dynamiques, le personnel imaginaire du « livre » de Ngaïdé s’écrit tous les jours sur ces lieux où la convivialité est de mise et le partage au propre comme au figuré en dogme. Un quotidien vécu qui confine à cette idéologie de «mbouroum mbararméité » dont Abdourahmane Ngaïdé, auteur d’un roman quasi-éponyme est le chantre. Un quasi-néologisme d’origine onomatopéique dont on retrouve la trace dans la musique afro-caribéenne et que le Professeur titulaire de philosophie Bado Ndoye a pisté la traduction latine la plus fidèle. Celle du « flactus vocis » au sens de « pure sonorité, quine connote rien, ne renvoie à aucun sens assignable » mais qui réfère à « l’inconstance d’une réalité labile qui se liquéfie et s’évapore sous nos tentatives de saisie conceptuelle ».
Avant d’en entrevoir la fonctionnalité épistémologique de « faits-bruits », des constructions et donc d’objets d’études « à mettre à la disposition des sciences sociales » dont il faut s’intéresser à la fois aux contenus qu’aux occurrences. Pour, essentiellement explique le philosophe Bado Ndoye, ce qu’elles pourraient nous donner à voir et à comprendre comme signes d’une émergence « de dynamiques sociales et culturelles métastables analogues à plusieurs égards aux systèmes dynamiques qu’étudie la physique théorique».

