Le comédien de 18 ans a remporté le Prix du meilleur espoir pour son rôle dans « Moi, Capitaine », de Matteo Garrone, où il interprète un jeune homme migrant illégalement vers l’Italie.
Vêtu d’un splendide basin aux rayures roses et blanches, Seydou Sarr monte sur la scène du Palais du cinéma de Venise en larmes, samedi 9 septembre. Il vient de remporter le Prix du meilleur espoir pour son rôle dans le film Moi, Capitaine, de Matteo Garrone. Le Sénégalais de 18 ans est la nouvelle révélation de la 80e édition de la Mostra de Venise. Visiblement déstabilisé, il prononce quelques mots : « Merci, merci à tous, je suis si heureux… Je n’ai pas de paroles. »
Il y a un an, l’acteur vivait encore à Dakar, où, comme beaucoup de ses camarades, « il rêvait d’être footballeur », raconte sa sœur aînée, Ndeye Sarr, interrogée par Le Monde Afrique. Il n’envisage pas de carrière artistique, mais est tout de même sensible aux arts de la scène : c’est la passion de sa mère, qui a enseigné l’art dramatique au centre culturel de Thiès, à 60 km à l’est de Dakar. « Ce don, il l’a reçu de notre mère », renchérit Ndeye Sarr. « Elle m’a enseigné le chant et le goût de la musique. Je lui dois sans doute encore plus que je ne le pensais avant ce prix », a confessé l’acteur devant les journalistes présents lors de la conférence de presse.
Néanmoins, Seydou Sarr n’a jamais pris le moindre cours de théâtre lorsqu’il se présente à une audition. Un réalisateur italien cherche des non-professionnels pour jouer dans son prochain film : c’est Matteo Garrone, et il choisit Seydou Sarr.
Dans ce qui deviendra Moi, Capitaine, le jeune homme incarne un Sénégalais migrant illégalement vers l’Italie. Au côté de Moustapha Fall (qui joue le personnage de Moussa), il rencontre le désert à l’hostilité impitoyable et des passeurs qui ne le sont pas moins. Sur leur route infernale, ils débarquent en Libye – « Vous êtes en Libye, soit vous avez de l’argent, soit vous allez en prison », l’informe un homme –, y traversent l’horreur des centres de détention et subissent la torture.
Découvrir le monde
Seydou et son compagnon Moussa ne fuient pas une guerre civile. Ce sont simplement deux jeunes comme tant d’autres qui veulent découvrir le monde. Et devenir des rappeurs célèbres : « Les Blancs vont venir nous demander nos autographes », dit Seydou à Moussa. C’est leur rêve, mais une fois arrivés en Libye, la véritable galère commence. L’œuvre s’appuie sur des témoignages authentiques et des histoires réellement vécues. En particulier celle de Kouassi Pli Adama Mamadou, un jeune Ivoirien qui a fui pour échapper à la faim et à la guerre civile qui a déchiré son pays jusqu’en 2011 et qui travaille aujourd’hui comme médiateur interculturel en Italie.
Pourtant, l’odyssée dont Seydou se proclame le « capitaine » dépasse le documentaire, portant une dimension non dénuée d’abstraction fantasmagorique, à l’instar des épopées de la Grèce antique racontées par Homère. Cette dimension est même assumée par Matteo Garrone, à qui l’on doit une adaptation cinématographique de Pinocchio, en 2019. « Il y a beaucoup de Pinocchio dans le voyage de Seydou et Moussa : eux aussi veulent se rendre dans ce qu’ils rêvent d’être le Pays des jouets et vont découvrir malgré eux la violence d’un monde peuplé de malfaisants prédateurs », a confié le réalisateur à la revue italienne Ciak.
Pour Seydou Sarr, le tournage fut en tout point initiatique. Si son personnage porte le même nom que lui, leurs trajectoires n’ont rien de commun. Le jeune acteur n’a jamais envisagé de migrer en Europe et a avoué n’avoir auparavant « aucune conscience véritable des risques et des souffrances que pouvait représenter une telle traversée du désert et de la mer, parsemée d’atrocités et de tragédies sordides ». C’est une route bien plus dégagée que celle de son personnage qui s’offre à lui après ce prix à la Mostra de Venise.